lundi 19 août 2024

L'Illusion du mal, Piergiorgio Pulixi



" Une idée pris forme dans sa tête : une des règles de base du storytelling était qu'à tout monstre devait correspondre un héros, encore mieux si celui-ci avait des points communs avec son ennemi. Et Strega n'en manquait pas, loin de là"
Piergiorgio Pulixi, dans L'illusion du mal. Chez Gallemeister

Vito Strega est un criminologue (Strega veut dire sorcière en Italien) qui questionne les manquements judiciaires et humains, avec ses collègues Eva Croce (Croce appelle à penser à “l'accroche, être accroché, ou crochet » (en français) » tandis qu'en Italien, cela signifie croix. 
Eva Croce, ancienne élève dite brillante par Vito Strega, a perdu une petite fille et s'en remet comme on ne peut pas : déversées toutes deux, avec l'autre enquêtrice Mara Rais (une figure féminine post-punk habillée en Docks Martens et maquillée comme une voiture, à la punk, est-ce à dire que ces éléments vestimentaires qui déchirent ledit bon goût d'Eva Croce, composants intrinsèques d'un caractère et quelques jurons, un peu rentre dedans (à la bulldozer, quoi), ceci contrastants encore, avec sa mission d'enquêtrice qui lève comme de la pâte à pain, elle aussi est particulièrement douée, (elles ont résolu leur première enquête dans « l'île des âmes »), elle lève donc, comme de la pâte à pain à Cagliari, la capitale de la Sardaigne, au département du placard soit les crimes non élucidés. Et cela va devenir un formidable pied de nez à la magistrature qui les a enfermées là ou l'on pensait qu'elles s'éteindraient dans un département sans avenir (eh non !). Vous savez bien que certaines femmes ont des ressources de folie. 
Ces deux figures féminines font corps à 3 où peut-être à 4, la chatte de Vito Strega faisant partie intégrante de ses comparses féminines, à peu près toutes en émoi sexuel ou professionnel devant tant de grandeur (presque 2 mètres 😜). = presque quelques chapitres après avoir écrit ceci, dans le texte même de Pulixi, se trouvait écrit exactement la même chose. Je jure que je n'ai pas repomper cela. Suite ?
Sans blague, le personnage de Vito Strega est bien intéressant. Il nous livre ses intérêts pour la chasse à l'homme, ce imprégné de ses propres fantômes qui le malaxent au corps.
Il me semble se confondre quelque peu avec l'auteur (qui semble grand lui aussi), et probablement comme pour n'importe qui d'un peu connu trouve-il pléthores adeptes prêtes où prêts à tout pour tout contact charnel et autres entretiens. (Si vous avez déjà tenu un bar vous savez de quoi je parle).
L'île des âmes était un roman que j'ai trouvé très réussi et surtout, le travail de Pulixi m'intéresse beaucoup. J'aime ses chapitres qui sont comme autant d'uppercuts.
Pour l'instant, je n'ai lu que 152 pages sur presque 600. 
Dans l'île des âmes, déjà, je m'étais demandé s'il, si l'auteur n'avait pas de quelques façons que ce soit, des liens manifestes avec la mafia, en tant que descendant par exemple un peu comme cet auteur norvégien, Jo Nesbo, qui réconcilie son paternel nazi (criminel ou pas ?) et sa mère résistante en écrivant des polars (il tue par procuration de ses personnages du coup, une façon d'intégrer bien et mal avec nuances et sans passer à l'acte) = son père anticommuniste s'était aussi “battu sur le front russe”.
Mais je ne sais, juste une intuition latente. 
Je pense d'emblée que ce titre ne sera pas à la hauteur du plaisir que j'ai pris au récit des descriptifs de la Sardaigne dans « L'île des âmes » une si belle surprise. Mais attention, il est, jusqu'ici, tout à fait estimable. 
Car ce titre, ( aparté : qui me rappelle inconséquement mon statut de mortelle littéralement coincée dans une vie que j'aimerais toute différente pour un tas de raisons aussi déprimantes que révoltantes : mais dusse-on se révolter contre soi-même qu'il ne faille trouver par où s'échapper si on convient de laisser de côté les responsabilités déversées sur autrui pour se soulever soi-même par le colbac et tenter l'auto-insurrection : être digne de se trouver responsable à 100% de tout, c'est ma seule option) :
Dans lequel, en effet, nous trouvons là, pour les 3 titres lus (avec le chant des innocents), matière à apprécier les finesses de l'auteur, le parler comme qui dirait, les références aux dialectes, ah oui c'est ce que dit le traducteur, Anatole Pons-Reumaux : « plusieurs parlers régionaux interviennent dans l'illusion du mal, caractérisant les différents personnages et leurs origines : la sarde, le sicilien et le vénitien. Il s'agit d'insultes compréhensibles pour le lecteur italien, que nous avons choisi de traduire pour le lecteur français ». (: je suppute de très bonnes traductions).
Petite digression : le traducteur « a appris l'italien en Irlande, l'anglais à Berlin et le suédois en France avant de s'installer aux Pays-Bas, où il songe parfois à se remettre à l'allemand. » :-) il a également traduit le chant des innocents. Pourquoi ne figure-il pas sur la première de couverture : dommage. J'ai déjà dit à quel point j'aime les éditions Gallmeister, autant les livres brochés que ceux en poche avec une nette préférence pour les poches et non pas pour le prix mais pour la qualité éditoriale du texte et une grande qualité d'impression également.
Bon, on peut dire ici, que le méchant est terrible, et que même si l'on ne peut échapper dans les romans policiers, polars et autres littératures policières, que les immersions dans les actes de torture sont tout à fait vomitives, sous prétexte (pour le méchant et au niveau de lecture ou j'en suis), sous prétexte donc, de justice et de vengeance. (Toujours les résurgences de Millenium pour lectures).

Mon intuition se fend désormais d'une quasi certitude qui soit que les méandres dudit bouquin soient probablement en lien avec des meurtres commis sur la lignée familiale de l'auteur. 
Pourquoi, je pense cela ? Parce que j'ai l'impression que nos goûts se meuvent au travers de moultes tentatives de résolutions des névroses. Mais on s'en fout peut-être (OSEF !). Mais en fait, rien ne le prouve. Et finalement, cela ne nous regarde pas. Évidement pas besoin de cela pour écrire des choses difficiles et évoquer un contexte politique et historique par le biais d'un polar.
On a là une étude du monstre, de la monstruosité humaine que chacun nous pouvons porter quel que soit le côté de la barrière entre êtres humains dignes de Paradis ou D'Enfer. Je pense que ferais sans doute une deuxième partie. Car, je ne peut vous délivrer une réelle vision d'ensemble sur 150 pages. Il s'agit aussi ici du sujet du viol, et également comme le dit l'auteur par le biais d'un des personnages :
« En ITALIE, le meurtre vends plus que le cul ».
Je ne peux que vous inviter à découvrir ou lire cet auteur en ce qui me concerne je lirais toutes ses productions, cela va de soi :

En bref, si vous lisez ce titre, une dimension peut-être plus politique, viendra vous fracasser les gencives.

Wayward Pines, tome 1 : Révélation, Blake Crouch



Bon, alors, ne pas compter sur moi pour un résumé. Évidemment l'accroche 'Si vous avez aimé Twins Peaks, vous allez adorer' est un tant soit peu fastoche; ça prendra plus de sens avec la postface de l'auteur mais c'est le genre de truc qui me fait fuir ventre à terre : en temps normal mais là j'y ai échappé. Ce serait toutefois certainement plus pertinent pour ce titre que pour celui de 'Douve. (Attention j'aime tout de même Victor Guilbert.
J'ai lu le titre assez rapidement; je dois avouer (je m'rend ! :
que je me suis un peu essoufflée autour de 100, allez 150 pages. 
Une petite langueur monotone m'est tombée dessus, le décollage étant quelque peu frein avant-arrière sans emmener assez loin vite et bien. La curiosité a fait le reste, ainsi que l'édition poche totem Gallmeister dont je suis fan. Alors je m'attendais plus à un polar enchevêtré d'espionnage : loupé. C'est un mélange de genres, pourquoi non ? Oui, faut voir avec les autres tomes, encore 2 autres à lire (ou pas ? Je ne sais pas si je suis complètement partante. J'adhère pas aux engouements dithyrambiques vus de ci de là (peut-être suis-je trop sévère ? J'ai bien aimé l'écriture, c'est bien tourné, l'auteur à l'air vraiment sympa en plus et j'ai passé un bon moment, la construction du récit fonctionne bien, et on voyage avec un brin de folie (pour tout dire sans rien livrer l'auteur manie très bien la barre à mine, c'est un peu rock'n'roll, mais comme disait je sais plus qui, you are rock but you don't roll : moi, non plus je n'ai pas décollé, mais c'est pas mal et qui sait peut-être que je planerais vraiment après lecture des 2 autres volumes...Pour finir, je suis en train de terminer l'Homme-Miroir de Lars Kepler, écrit par un couple à 4 mains (Alexander et Alexandra^^ j'avoue encore que je ne suis pas du tout emballée par les écrits à 4 mains, ça donne trop l'impression que l'un et l'autre se cachent l'un pour l'autre (sauf exception comme Caryl Ferey et Tim Willocks), je ne sais pas encore quoi en penser mais je crois que je n'aime pas trop. C'est vrai que même si ça ne doit pas être le meilleur, j'ai lu tout aussi rapidement un Peter May, dont l'écriture m'a beaucoup plus plu. (Il n'est plus l'heure de parler de la théorie des cordes cependant avec ce titre, on voyage dans le temps

Le Collectionneur de Serpent, Jurica Pavičić

 Le collectionneur de serpent, première nouvelle sur cinq proposée dans ce petit recueil sorti chez Agullo, traduit du croate par Olivier Lannuzel.

Le format du livre est parfait, et la lecture, autant par la police de caractère que la densité de l'encre charment tous mes sens.
Pour l'instant, à la seule lecture de cette première nouvelle de 40 pages, je peux dire que JURICA PAVIČIĆ est fondamentalement talentueux :
Il excelle à planter le décor en un rien de temps, avec force et profondeur, la saisie des enjeux rapportés mêle les étoiles dans les yeux à la lecture ce récit si subtil, et la stupeur abandonnique nous prend, au devant de faits de guerre qui envoutent par leur authenticité. Enfin ! Une nouvelle pointure !

La Piste du Vieil Homme, Antonin Varenne

 Un très court et bon roman noir pour un style assez direct, un humour peut-être pas fantasque mais qui provoque un rire soudain, on est pris au dépourvu, c'est bien ce que je préfère.

Le #boucquain fixe sans filigrane les questionnements sur la compréhension et les relations entre père et enfants, avec un père qui se voit clairement bien embourbé dans certains choix du passé, ne pas être suffisamment présent peut-être, et pas seulement, mais à découvrir.
Le présent du vieil homme est devenu le mien, concrètement portée par le récit sans pouvoir le lâcher, tout cela couplé aux problématiques de Madagascar, parfois encore plus sombres que ce qui en est présenté, pour ce que j'en sais.
On traverse en un éclair, ce cheminement ou plutôt cette piste du vieil homme, non pas heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage mais mieux encore, plutôt avec la préhension fine de ses impressions, l'importance de ses sentiments, la visibilité sur ses galères, sa compréhension de l'Île, ses tactiques, sa vie, tout cela humé au travers les divergences entre Vazahas et Malgaches, ce mixage entre Afrique et Asie imprégné de colonialisme : et le récit fonctionne parfaitement sur le mode du court. Presque comme un conte semi-cruel.
Tout cela en n'oubliant pas de nous faire ressentir que #Madagascar est un lieu à risques, pour les cyclones et tempêtes, sécheresses, et pluies torrentielles, mais encore cette criminalité endémique en expansion, une précarité folle, un accès aux soins et à l'éducation des plus désaccordés.
L'auteur aborde par exemple la question des vols de zébus par bandes organisées, mais pas celle du vol d'organes par exemple pour alimenter des pratiques rituelles, ou les prélèvements sur la faune, cependant, le roman revêt une grande force, et si l'on sait que la force réside dans le minimum, c'est un pari gagné pour moi, l'auteur nous entraine visiblement dans ses voyages, qui plus est, il a l'air vraiment sympa et j'ai grave kiffé son sens de l'humour, et encore même si je ne suis pas fan des beaux mecs, il a une belle gueule et un regard, en quelques mots, même si je n'ai lu que ce titre : c'est un bon poigre.

lundi 7 novembre 2022

COUP DE FUSIL, BANG BANG, Chapter 9

Short. Kaja se retortillait la soirée dans tout les sens, qu'y avait-il qu'elle n'aurait pas vu ? 

Elle n'était pas dans la panne d'initiative* mais coincée en quelque sorte sur ce putain de revival. Reprenons, se disait-elle en avalant d'un trait la dernière vodka, devant l'zig à la naze qui la broutait du regard. Tout feu tout flamme, elle hissa le journal devant son visage pour lui rompre la vue plutôt que le cou, main tendue vers le ciel et là, revisiter le passé, la journée de la disparition.

Tandis qu'elle essayait de se rappeler de quoi était faite cette putain de journée, elle se rappela pourquoi, pourquoi elle s'était plus ou moins mise à chercher les coupables. 

C'était l'époque ou elle avait lu LesterLester Bang. BANG BANG. Pour se sortir du trou rien ne valait mieux que de la littérature qui t"éclate à la gueule, après avoir dévoré l'intégralité du Seigneur des Anneaux, Lester passait full divin. Bon. Charles avait baisé avec sa première pote de ouf, elle était restée 3 mois sans sortir et lui avait plus causé pendant 3 ans. C'est vrai que Charles se débraillait rapide dès qu'il y avait un coup à tirer. Sa mère l'avait fourgué aux grands-parents à 3 ans, et ça lui avait tapé sur le système. Elle le visitait tout les 5 ans, à moitié à poil faisant le sac au bras d'un nouveau mâle à chaque fois, et elle ne pannait que dalle, elle aussi toujours foncédé. En même temps que veux-tu que devienne un comme moi que sa mère à voulu balancer par la fenêtre disait-il à tue-tête pour se dédouaner ? On a qu'une vie. Qu'il noyait ticket for stone and more. Destroy wombat de 40 kg tout mouillé, jean perf, clop ou, au bec, taf, blam, tchac, guitare, speed crok* crak boum, tout y passait filles comprises. Sinon, il était plutôt cool. 

 Il y avait eu un comptoir entre Charonne et Ober, à l'époque et pas que. La souris se faufilait par tout les trous, et t'collait des flûtes en tout genres. Elle coupait avec  smecta ou de la farine et d'un ton caillasse, arguait : tu comprends, ça leur fait pas de mal mais vraiment pas de mal du tout. Le pote charmant avec lequel écouter de la bonne musique à n'importe quelle heure avec lequel elle vivait dans une piaule ouverte à tout les vents, 3m2, matelas au sol, mini tablette pour poser clopes, clés et le reste, avait reconverti son appart' en comptoir à camelote de de clébards. Il se refaisait sur la bande à foncédés, et puis à l'occase, il goûtait, pâ pâ pâ. Bon. Il y avait eu un blème. Ils s'étaient fait un plan à quelques-uns et ...Mario avait plané dans le cosmos et n'en était pas revenu. Il avait fallu aller chez les fliquos, et bizarrement, l'un d'entre-eux l'avait eu à la bonne, il l'avait auditionné, confronté, démasquée, et puis donc, lui avait remonté les bretelles jusqu'à ce qu'on ne voit plus sa tête. Lui avait foutu la honte de sa vie, enfin, bref. Ils avaient eu chaud. Elle s'était répété mais pourquoi pourquoi on avait tous pris la même chose dans l'incapacité d'accepter qu'elle allait sur la ligne de fuite la plus ultime, danser avec la mort. Il n'aurait pas du mourir.

Cela l'avait désenchantée, mais elle avait eu plus de mal a arrêter qu'à commencer. L'époque ou elle volait les paquet de lait dans les fridge des parents parce que rien à graille. Celle de l'enchainement des causes. La rue, c'est pas la même pour tous. Pour essayer de se refaire, elle avait accepté l'invitation de Didi. Didi avait cramé sa première paye avec les potes, tous au restau, asiat' of course. 20 insoumis de 14 piges des rues autour de la table, à grailler du bon temps, avant de partir en concert, Lucrate lucarne roya électrik. Après, elle avait fuit. Cavale du diable. Ne pas se retourner, ne croiser personne de l'avant, ne plus prendre de nouvelles, faire une cérémonie au peyotl pour se réconcilier avec les esprits, et changer de route, perdre l'histoire personnelle, autant que possible, merde. 

 J'arrive pas à accrocher.

I love you fuck off. 



*Projection sur l'avenir, Ulrich Beck, la société du risque, Flamme

* Croquis

*accrocher, trouver les preuves


mercredi 10 août 2022

Chaud - Devant, 548

 PAGES. Et outes les notes sont de l'auteur. Chez Gallimard, la classe suprême.

Thriller Folio Policier. Pour des raisons différentes, je crains d'être tombée raide dingue de Caryl Férey et de Mc Cash également, le mec infernal...adepte de self-défense à mains nues qui passe dans la rue pendant que les filles s'évanouissent en cordée.

En exergue :

Aux mères et grands-mère de la place de mai, à la mémoire de leur disparus. 

Alors, oui, c'est l'histoire de ce pays qui m'avait bien secouée à l'adolescence. Être loin et voir que quelque part ailleurs, dans un pays inconnu, ça se passe TOUT autrement que ce qu'on peut vivre au quotidien. Il parait que Férey travaille en journée continue quand c'est le moment, avec du son. C'est vrai que la rythmique s'en ressent. Le livre, je ne sais pas comment il construit ou déconstruit le récit mais ça me semble très pointu, il emmène.

On se lasse un peu des interviews, enfin moi je ne peux pas en écouter beaucoup, parce que j'aime arriver vierge devant un acte de foi, pas d'influence, pas de résumé, pas de youtubeuse qui "suit" un personnage, pas de contexte, pas de réflexion, j'en ai RAF de savoir que la chute à été décevante, ce que j'aime c'est être portée moi-même, un peu comme quand on baise, est-ce que c'est intéressant de savoir comment lui ou elle est sensé être un bon coup ou pas ? Je n'y crois pas. Je crois à la liberté d'être, je crois à la rencontre avec quelqu'un dont les failles vont s'ouvrir béantes aussi bien dans la sexualité que l'écriture. Et à la rencontre, l'étreinte intime. Donc, on se lasse un peu des interviews qui répètent les mêmes questions des journalistes qui attendent le propos convenu à l'avance qu'on a déjà entendu un milliard de fois, on préférerait autre chose, d'inattendu ? De plus ? Je ne sais pas, en même temps, un auteur donne ce qu'il veut, ce qu'il peut et on ne dit pas à quelqu'un comment il est bon de faire.

Pour moi, Caryl Férey est une étreinte belle et douloureuse. Et ce n'est que le début, j'ai loupé des wagons et des trains trop occupée à gérer un tas de choses qui ne me permettaient plus de lire librement, et même lire ce que je veux ne m'est pas forcément donné facilement.

Libre d'apprécier Mapuche au moment qui était le bon en tout cas.

Caryl Férey aime tout ce qui touche au regard, aux yeux, à la couleur bleue peut-être. Le bleu des yeux, des billes, avec une connaissance pointue de l'âme humaine et de ses circonvolutions. Je le considère comme un curandero. Pas sûr qu'il s'en soit encore rendu compte. Je l'aime. Je ne suis pas consensuelle, hein, faut-il le dire ? Pas alcahuete pour 3 sous, pourvu que ce ne soit pas une question de vie ou de mort. Il a la rage de celui qui veut vivre, qui tape du pied pour remonter à la surface, 1000 fois s'il le faut. Comment ne pas aimer Rúben et Jana ?

Caryl Férey aime bien dire des conneries, rigoler, on le voit dans ses interviews, il a le sketch en manche, ça fait du bien. La question de l'amour semble récurrente dans son oeuvre. S'il n'avait écrit que Mapuche s'en serait déjà une, alors, ne lui faisons pas attraper des chevilles qui explosent jusqu'à mars; on pourrait le comparer, mais il y a interdiction de se comparer, à la dynamique d'écriture de Pierre Lebas. Mon dernier engouement.

Il sait particulièrement bien se fondre pour cette compréhension des autres, attrape les failles, regarde d'un oeil d'aigle, se flingue les méninges pour saisir l'indicible, l'insaisissable, avec lui tu ne peut plus rester dans le goudron, il te balance tout. Tu seras capable de le porter. Il semble avoir un désir constant de bivouaquer avec sa Bête. En vrai, ça donne envie d'être dans le sac à dos, si on a pas trop peur. La Bête m'envâpe grand comme Le Brésil.

_ "Une blonde décolorée souriait sous son maquillage de toucan

_ "J'ai baisé avec des serpents à sonnette pour survivre, lâcha Jana entre ses jolis crocs

_ "Tu as quoi dans le coeur à part des morts ?

_ "Les yeux ronds de Rúben rappelaient ceux du chat en bout de table

_ "Ses yeux noirs dégommaient les étoiles

_ "Leurs regards se croisèrent de nouveau dans l'expectative

_ "Jana sort enfin, en grand, les yeux comme des diamants. Et le monde changea de peau : elle aussi avait l'âme bleue.

_ "La concha de tu hermana !

_ "Son air innocent faisait mal aux dents

_"Les documents top secret liés à la séquestration et à l'assassinat de trente mille disparus avaient été brûlés à l'arrivée de la démocratie (et les éventuelles copies probablement détruites), mais la Marine comme tout les corps d'armée, avait gardé ses archives.

Le livre a été soutenu pas la bourse Stendhal (Le Rouge et le Noir m'ont gonflée à mort), on est bien content pour les écrivains qui ont déjà publié, c'est pas pour des frites, et tant pis si les bourses désole les saints autres écrivains, on ne va pas frôler sur la balle*

On zerve*, avec Caryl, c'est un putain de zigue, plus d'un turcan dans queuss, il te remue La Muette*, c'est un goualleur de rue, aboulez, il n'y a pas seulement de l'étoffe, c'est de la putain de balle. Pour ceux qui aiment le rab, au p'tit poil, La Bête est un Boudha d'Émeraude, z'avez qu'à fouinassez comme moi, il distribue les photos au compte-goutte, mais alors, je les trouve meilleures que celles de Doisneau. Pensez quand-même d'avoir l'coeur à la rigolade, c'est mieux qu'avoir des grenouilles dans l'estomac !

Je les ai à la bonne. 

A la revoyure !


*Médire, frôler sur la balle

* crier, pleurer, Zerver

* La conscience, La Muette

lundi 8 août 2022

Coup de Fusil - Schnick - Chapitre 8

Pas le temps de répliquer, il était déjà repartit en sens inverse. Elle se trouvait sur une aire, en bordure de route : poubelles, décharge municipale, en pleine effervescence, l'truc, ça grouillait de rats, ça mouvait dingue, de la vie jusqu'au cou, chante Pierre Lebas qui nous remonte, ça soulève, ça chante, ça ska, ça vit, putain de merde, MERDE, merde, putain de meeeeerde hurla Kaja, haut le coeur avant de vomir à grandes saccades, puis de cavaler en déroute jusqu'au Billie Joel, pour dévider 3 verres de schnick*.

* Eau de vie qui t'estourbilonne les boyaux

jeudi 20 janvier 2022

Coup de Fusil, Chapter 7 - Tout fout l'camp

 Car rien ne dure

 Caryl Ferey

Al Capone et Kaja sortirent de concert de la maison. Dehors, le nombre de convives s'était réduit du tiers, malgré tout il restait encore quelques enfants qui tourbillonnaient autour d'arbustes épineux, une odeur de brûlé diffuse fit divaguer son esprit. Elle se demandait toujours en tremblant ou s'était volatilisée la fille, soupira, ouvrit la bouche, se fendit d'une légère grimace, puis décida d'aller dans la grange en espérant que Matt ne la suive pas. Elle longea le sentier qui contournait la ferme par l'étang, et passa devant chez les Delamours.

Les Delamours étaient de braves paysans dont la maison située en bord de route abritait au devant un lot de 6 casiers à lapins : 3 on the ground floor, 3 upstairs. Ils vivaient de 2 à 3 par casiers, il y en avait un noir, des blancs et d'autres couleur lièvre avec de grandes oreilles tendues vers le moindre visiteur. Autrefois, Kaja leur donnait des brins d'herbes, des pâquerettes et des bout de bois, des petites cuillères en aluminium et du lait sur une coupelle avec des morceaux de chocolats, et une fois elle les habilla d'un chapeau de poupée avec un élastique noué sous le menton. 

Les Delamours avaient tous deux les yeux bleus délavés par l'âge, lui toujours en bleu de travail avec des godillots éclatés, elle en tablier bleu, un fichu sur la tête, les mains toujours dans ses grandes poches, les volets peints en rien du tout, couleur bois brun de drakkar viking des années 1000. Ils étaient gentils.

Un jour, Kaja vit Delamours prendre son lapin préféré, le noir, lui donner un grand coup de gourdin sur la tête, le pendre à la corde à linge par les pattes arrière le dépouiller d'un coup sec. 

dimanche 16 janvier 2022

Coup de Fusil, chapter 6, Ma Chatte s'Appelle Al Capone

 Personne ne peut me dicter la façon dont je fais les choses, Patti Smith

Les gens étaient éparpillés ça et là, tandis que Kaja errait de l'extérieur à la cuisine pour glaner deux trois épis de maïs sur la fille au prétexte de ramener des plats vides, voilà qui ne risquait de déranger qui que ce soit. Dans la cuisine, un poêle à bois sur lequel bouillonnait des pièces de boeuf pour agrémenter les lendemains du méchoui. Trois hommes d'un certain âge se tenaient-là en pleine discussion sur le prix du bétail. Kaja se brûla les lèvres pour ne pas demander le nom de la fille, passer inaperçue, et demanda les toilettes sous prétexte de fouinasser en douce dans le reste de la maison. La gamine un peu marle avait l'habitude de jouer sur du velours en toute occase. 

Les chambres vivaient en enfilade, la première comportait un lit de camps foutu avec des draps douteux et une armoire des temps caverneux. La fenêtre à clenche semblait épuisée d'avoir perdu une vitre, compensée elle-même par un grossier bout de carton délavé encastré dans le pourtour de la vitre. Les mecs tenaient une ferme mais ne savaient apparement pas changer une vitre. Elle vit alors de ses propres yeux une chemise d'homme ensanglantée. Ça commençait à cogner gravement. Tout allait de traviolle. 

_ Qu'est-ce que je fous-là ? Allons chercher à clape se dit tout haut Kaja à elle-même. 

Quand elle se retourna en vrillant pas de danse, elle se retrouva nez à nez à un beau môme, un peu lustucru.* Elle en eut la berlue car le  gars lui collait au cul, et elle ne l'avait absolument pas repéré, trop occupée à trouver un moyen de retrouver la disparue dont personne ne semblait se soucier. Elle se tint à carreau en faisant mine d'être ailleurs, le galant aimable comme une porte de prison, tenta pourtant de la coincer pour lui mendier un coup de zouglou.

_ Tire toi à dache, lui enjoignit-elle. J'cherche un évier de salle de bain de toute urgence. Les mecs beaux à la mie de pain m'appuient pas sur la chanterelle.

Il tenta derechef une gifle mais elle l'esquiva, l'battant en vrac, et sortit de là suivie par Al Capone, la chatte écaille de tortue, une qui blairait pas non plus qu'on la boucle sans consentement. 

_ Al Capone, vient ! On calte ! 


*Bêta

* Lustucru : Quelque chose comme un type sans saveur, en argot, quelqu'un d'anodin

** À dache, loin, très loin, au diable, envoyer à dache, jeter quelqu'un de gênant 

** *Zouglou en argot c'est mourir, tuer. Et aussi faire l'amour, baiser

**** à la mie de pain, trop nul, sans classe


vendredi 14 janvier 2022

Coup de Fusil, Chapter 5

 Salt releva la tête pour croiser le regard de Kaja au loin. Il ne voulait pas l'effrayer et partit changer de vêtements, sa chemise était tachée de sang. Elle ne le vit pas, trop occupée à examiner un des convives qui avait un visage qu'on eut dit labouré par des griffes. Basané,  cheveux long, yeux noirs de corbeau, un gitan. Pas le genre du bled. Il avait l'air de faire partie du tout pourtant. Elle aurait aimé le prendre en photo, mais ça l'faisait pas bien, même en falsh. Elle le suivait du regard, l'air de tout, tout en s'exerçant à compter le nombre de filles. Il n'y en avait pas beaucoup. Elle croisa Whisky et Winna sans savoir qui ils étaient. Winna ne lui sembla pas mauvaise, pourtant elle l'était. Whisky s'enfilait des whiskies à tour de bras. Elle chercha la fille blonde à la coupe de cheveux en sapin mais ne trouva qu'une chatte semi errante, écaille de tortue, vive comme l'éclair, qui volait des sardines sur le barbecue. Ici, le seul truc marrant était le feu. On avait pris des planches qui trainaient près de l'étable, un briquet, des miettes de charbon, un jet d'essence et le tour était joué. On cramait de face, et de dos, le vent ventait froidement. Quelque chose déconnait. La fille avait disparu. 




Coup de Fusil, chapter 4

Kaja entra au Billie Joel, un bar de merde dans lequel le barman passait Honesty en boucle, ce qui lui donnait envie d'aller vivre dans un frigo. Elle accrocha ses écouteurs en passant le fil par la boutonnière de sa veste noire qui ne ressemblait à rien de connu, même dans ce pays sans rêves, avant de s'assoir au comptoir et cala Jack McVea & The Door Openers, Wino, pour oublier le temps, ce qui ne marcha que 10 secondes avant que le barman ne lui souffle dans les bronches pour savoir ce qu'elle voulait commander.

Mam'zelle ? Tu bois ?

_ 3 vodkas.

_ 3 vodkas ? 

_ 3, et un kawa.

_ Un calva ?

_ Un café noir sans sucre.

_ 3 vodkas, un calva et un café sans sucre ?

_ Va, et une omelette aux oeufs.

Estourbi par la commande, il ne vit pas qu'elle pleurait, puisqu'elle baissait la tête. Pas la peine de vous pencher, vous ne la verrez pas non plus, mais si vous voulez vous pourriez entendre ce qu'elle écoutait*. Puisque vous ne me le demandez pas, c'est Because the night.  Gloria, Kimberley, Horses, Free Money, Oh, baby, it would mean so much to me, I'll buy you a jet plane, He saw horses, horses, horses, horses, horses, horses, horses, horses.

There must be something I can dream tonight.

Radio Ethiopia,

Aint it strange


It's a pretty little place, it's across the tracks,ne, baby, Get you on a higher plane to a jet stream, And take you through the stratosphere, When we dream it, when we dream it, when we dream it, We'll dream it, dream it for free, free money, Free money, free money, free money, free money, free money, free money, 

Breaaaaaaak It Up !Break it up, yeah break it up

He saw HORSE



*PATTI SMITH

Enjamber la flaque où se reflète l'enfer, Souad Labize

Il est ce tout petit livre d'un titre hautement pertinent autant que poétique. Il est fulgurant et je dirais presque magistral, tellemen...