Ce court roman édité chez Stock et traduit du japonais par Sadamichi Yokoö, Sandford Glodstein et Gisèle Bernier est je crois une deuxième lecture de cet auteur, Yasuki Inoué, que j'ai trouvé par un heureux hasard, après avoir lu plusieurs décennies en arrière, Le Maître de Thé.
Il se lit vite, et c'est un des premiers auteurs japonais que j'ai volé dans la bibliothèque familiale ou je pouvais piocher en douce tout ce qui me tombait sous la main dès lors que l'on ne me visse*. A ces côtés trônaient Mishima, Kawabata, Tanizaki, Sōseki, Kensaburō Ōé, Nosaka que je dévorais comme une ogresse affamée. A 13 ans, je me régalais avec cette zone attirante qui campait dans le salon. Pour compléter ce périple qui me plongea sur une douce brise d'écrits asiatiques inconnus jusque-là, j'allais errer dans le même temps fouiner dans une librairie, qui présentait dans une sommaire et vaste pièce carrée, avec un petit espace à l'arrière, des oeuvres asiatiques dans un petit recoin sur une semi-bibliothèque posée au sol. Le tenancier exposait sa littérature habituellement sur des planches soutenues par des tréteaux en bois. J'étais toujours bien reçue, et je pouvais m'accroupir, rester invisible pour choisir ce que j'allais acheter, sans qu'il ne me dise quoique ce soit. Parfois je restais longtemps, longtemps, longtemps incapable de me décider entre l'un et l'autre livre, je les feuilletais tous, et je me relevais écarlate et crevée d'avoir soutenu une posture Malasana en grenouille, et en me relevant, je ressemblais à une vilaine crapaude qui aurait aimé se cacher derrière les bibliothèques.
Aujourd'hui, je me rends parfois dans cette même librairie, que je fréquente maintenant un peu comme si j'étais en grève sporadique après une interruption de 20 ans, eux, ne me connaissent plus, le libraire n'est plus le même, la librairie s'est agrandie et modernisée, et quand je prends un livre pour l'acheter en errant toujours quelque peu pour découvrir ce qui peut s'y trouver comme dans une bibliothèque, on me prends pour une voleuse potentielle et je suis suivie, on m'aborde la plupart du temps en jetant un coup d'oeil vers le livre que je tiens comme si par hasard je voulais l'chourave parce que mon bras qui reste parfois collé le long du corps comme pour exercer une pression rebelle et insoumise au dicktat des cellules nerveuses, avec le livre apparent qui m'intéresse accroché à une main, leur donne cette impression. C'est drôle, en quelque sorte. Quand je suis d'humeur blagueuse, je joue avec le vendeur qui me suit, c'est toujours le même qui est suspicieux, et je tourne dans la librairie en tous sens pour le faire tourner en bourrique.
*de visser (et plus).
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