lundi 19 août 2024

Wayward Pines, tome 1 : Révélation, Blake Crouch



Bon, alors, ne pas compter sur moi pour un résumé. Évidemment l'accroche 'Si vous avez aimé Twins Peaks, vous allez adorer' est un tant soit peu fastoche; ça prendra plus de sens avec la postface de l'auteur mais c'est le genre de truc qui me fait fuir ventre à terre : en temps normal mais là j'y ai échappé. Ce serait toutefois certainement plus pertinent pour ce titre que pour celui de 'Douve. (Attention j'aime tout de même Victor Guilbert.
J'ai lu le titre assez rapidement; je dois avouer (je m'rend ! :
que je me suis un peu essoufflée autour de 100, allez 150 pages. 
Une petite langueur monotone m'est tombée dessus, le décollage étant quelque peu frein avant-arrière sans emmener assez loin vite et bien. La curiosité a fait le reste, ainsi que l'édition poche totem Gallmeister dont je suis fan. Alors je m'attendais plus à un polar enchevêtré d'espionnage : loupé. C'est un mélange de genres, pourquoi non ? Oui, faut voir avec les autres tomes, encore 2 autres à lire (ou pas ? Je ne sais pas si je suis complètement partante. J'adhère pas aux engouements dithyrambiques vus de ci de là (peut-être suis-je trop sévère ? J'ai bien aimé l'écriture, c'est bien tourné, l'auteur à l'air vraiment sympa en plus et j'ai passé un bon moment, la construction du récit fonctionne bien, et on voyage avec un brin de folie (pour tout dire sans rien livrer l'auteur manie très bien la barre à mine, c'est un peu rock'n'roll, mais comme disait je sais plus qui, you are rock but you don't roll : moi, non plus je n'ai pas décollé, mais c'est pas mal et qui sait peut-être que je planerais vraiment après lecture des 2 autres volumes...Pour finir, je suis en train de terminer l'Homme-Miroir de Lars Kepler, écrit par un couple à 4 mains (Alexander et Alexandra^^ j'avoue encore que je ne suis pas du tout emballée par les écrits à 4 mains, ça donne trop l'impression que l'un et l'autre se cachent l'un pour l'autre (sauf exception comme Caryl Ferey et Tim Willocks), je ne sais pas encore quoi en penser mais je crois que je n'aime pas trop. C'est vrai que même si ça ne doit pas être le meilleur, j'ai lu tout aussi rapidement un Peter May, dont l'écriture m'a beaucoup plus plu. (Il n'est plus l'heure de parler de la théorie des cordes cependant avec ce titre, on voyage dans le temps

Le Collectionneur de Serpent, Jurica Pavičić

 Le collectionneur de serpent, première nouvelle sur cinq proposée dans ce petit recueil sorti chez Agullo, traduit du croate par Olivier Lannuzel.

Le format du livre est parfait, et la lecture, autant par la police de caractère que la densité de l'encre charment tous mes sens.
Pour l'instant, à la seule lecture de cette première nouvelle de 40 pages, je peux dire que JURICA PAVIČIĆ est fondamentalement talentueux :
Il excelle à planter le décor en un rien de temps, avec force et profondeur, la saisie des enjeux rapportés mêle les étoiles dans les yeux à la lecture ce récit si subtil, et la stupeur abandonnique nous prend, au devant de faits de guerre qui envoutent par leur authenticité. Enfin ! Une nouvelle pointure !

La Piste du Vieil Homme, Antonin Varenne

 Un très court et bon roman noir pour un style assez direct, un humour peut-être pas fantasque mais qui provoque un rire soudain, on est pris au dépourvu, c'est bien ce que je préfère.

Le #boucquain fixe sans filigrane les questionnements sur la compréhension et les relations entre père et enfants, avec un père qui se voit clairement bien embourbé dans certains choix du passé, ne pas être suffisamment présent peut-être, et pas seulement, mais à découvrir.
Le présent du vieil homme est devenu le mien, concrètement portée par le récit sans pouvoir le lâcher, tout cela couplé aux problématiques de Madagascar, parfois encore plus sombres que ce qui en est présenté, pour ce que j'en sais.
On traverse en un éclair, ce cheminement ou plutôt cette piste du vieil homme, non pas heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage mais mieux encore, plutôt avec la préhension fine de ses impressions, l'importance de ses sentiments, la visibilité sur ses galères, sa compréhension de l'Île, ses tactiques, sa vie, tout cela humé au travers les divergences entre Vazahas et Malgaches, ce mixage entre Afrique et Asie imprégné de colonialisme : et le récit fonctionne parfaitement sur le mode du court. Presque comme un conte semi-cruel.
Tout cela en n'oubliant pas de nous faire ressentir que #Madagascar est un lieu à risques, pour les cyclones et tempêtes, sécheresses, et pluies torrentielles, mais encore cette criminalité endémique en expansion, une précarité folle, un accès aux soins et à l'éducation des plus désaccordés.
L'auteur aborde par exemple la question des vols de zébus par bandes organisées, mais pas celle du vol d'organes par exemple pour alimenter des pratiques rituelles, ou les prélèvements sur la faune, cependant, le roman revêt une grande force, et si l'on sait que la force réside dans le minimum, c'est un pari gagné pour moi, l'auteur nous entraine visiblement dans ses voyages, qui plus est, il a l'air vraiment sympa et j'ai grave kiffé son sens de l'humour, et encore même si je ne suis pas fan des beaux mecs, il a une belle gueule et un regard, en quelques mots, même si je n'ai lu que ce titre : c'est un bon poigre.

lundi 7 novembre 2022

COUP DE FUSIL, BANG BANG, Chapter 9

Short. Kaja se retortillait la soirée dans tout les sens, qu'y avait-il qu'elle n'aurait pas vu ? 

Elle n'était pas dans la panne d'initiative* mais coincée en quelque sorte sur ce putain de revival. Reprenons, se disait-elle en avalant d'un trait la dernière vodka, devant l'zig à la naze qui la broutait du regard. Tout feu tout flamme, elle hissa le journal devant son visage pour lui rompre la vue plutôt que le cou, main tendue vers le ciel et là, revisiter le passé, la journée de la disparition.

Tandis qu'elle essayait de se rappeler de quoi était faite cette putain de journée, elle se rappela pourquoi, pourquoi elle s'était plus ou moins mise à chercher les coupables. 

C'était l'époque ou elle avait lu LesterLester Bang. BANG BANG. Pour se sortir du trou rien ne valait mieux que de la littérature qui t"éclate à la gueule, après avoir dévoré l'intégralité du Seigneur des Anneaux, Lester passait full divin. Bon. Charles avait baisé avec sa première pote de ouf, elle était restée 3 mois sans sortir et lui avait plus causé pendant 3 ans. C'est vrai que Charles se débraillait rapide dès qu'il y avait un coup à tirer. Sa mère l'avait fourgué aux grands-parents à 3 ans, et ça lui avait tapé sur le système. Elle le visitait tout les 5 ans, à moitié à poil faisant le sac au bras d'un nouveau mâle à chaque fois, et elle ne pannait que dalle, elle aussi toujours foncédé. En même temps que veux-tu que devienne un comme moi que sa mère à voulu balancer par la fenêtre disait-il à tue-tête pour se dédouaner ? On a qu'une vie. Qu'il noyait ticket for stone and more. Destroy wombat de 40 kg tout mouillé, jean perf, clop ou, au bec, taf, blam, tchac, guitare, speed crok* crak boum, tout y passait filles comprises. Sinon, il était plutôt cool. 

 Il y avait eu un comptoir entre Charonne et Ober, à l'époque et pas que. La souris se faufilait par tout les trous, et t'collait des flûtes en tout genres. Elle coupait avec  smecta ou de la farine et d'un ton caillasse, arguait : tu comprends, ça leur fait pas de mal mais vraiment pas de mal du tout. Le pote charmant avec lequel écouter de la bonne musique à n'importe quelle heure avec lequel elle vivait dans une piaule ouverte à tout les vents, 3m2, matelas au sol, mini tablette pour poser clopes, clés et le reste, avait reconverti son appart' en comptoir à camelote de de clébards. Il se refaisait sur la bande à foncédés, et puis à l'occase, il goûtait, pâ pâ pâ. Bon. Il y avait eu un blème. Ils s'étaient fait un plan à quelques-uns et ...Mario avait plané dans le cosmos et n'en était pas revenu. Il avait fallu aller chez les fliquos, et bizarrement, l'un d'entre-eux l'avait eu à la bonne, il l'avait auditionné, confronté, démasquée, et puis donc, lui avait remonté les bretelles jusqu'à ce qu'on ne voit plus sa tête. Lui avait foutu la honte de sa vie, enfin, bref. Ils avaient eu chaud. Elle s'était répété mais pourquoi pourquoi on avait tous pris la même chose dans l'incapacité d'accepter qu'elle allait sur la ligne de fuite la plus ultime, danser avec la mort. Il n'aurait pas du mourir.

Cela l'avait désenchantée, mais elle avait eu plus de mal a arrêter qu'à commencer. L'époque ou elle volait les paquet de lait dans les fridge des parents parce que rien à graille. Celle de l'enchainement des causes. La rue, c'est pas la même pour tous. Pour essayer de se refaire, elle avait accepté l'invitation de Didi. Didi avait cramé sa première paye avec les potes, tous au restau, asiat' of course. 20 insoumis de 14 piges des rues autour de la table, à grailler du bon temps, avant de partir en concert, Lucrate lucarne roya électrik. Après, elle avait fuit. Cavale du diable. Ne pas se retourner, ne croiser personne de l'avant, ne plus prendre de nouvelles, faire une cérémonie au peyotl pour se réconcilier avec les esprits, et changer de route, perdre l'histoire personnelle, autant que possible, merde. 

 J'arrive pas à accrocher.

I love you fuck off. 



*Projection sur l'avenir, Ulrich Beck, la société du risque, Flamme

* Croquis

*accrocher, trouver les preuves


mercredi 10 août 2022

Chaud - Devant, 548

 PAGES. Et outes les notes sont de l'auteur. Chez Gallimard, la classe suprême.

Thriller Folio Policier. Pour des raisons différentes, je crains d'être tombée raide dingue de Caryl Férey et de Mc Cash également, le mec infernal...adepte de self-défense à mains nues qui passe dans la rue pendant que les filles s'évanouissent en cordée.

En exergue :

Aux mères et grands-mère de la place de mai, à la mémoire de leur disparus. 

Alors, oui, c'est l'histoire de ce pays qui m'avait bien secouée à l'adolescence. Être loin et voir que quelque part ailleurs, dans un pays inconnu, ça se passe TOUT autrement que ce qu'on peut vivre au quotidien. Il parait que Férey travaille en journée continue quand c'est le moment, avec du son. C'est vrai que la rythmique s'en ressent. Le livre, je ne sais pas comment il construit ou déconstruit le récit mais ça me semble très pointu, il emmène.

On se lasse un peu des interviews, enfin moi je ne peux pas en écouter beaucoup, parce que j'aime arriver vierge devant un acte de foi, pas d'influence, pas de résumé, pas de youtubeuse qui "suit" un personnage, pas de contexte, pas de réflexion, j'en ai RAF de savoir que la chute à été décevante, ce que j'aime c'est être portée moi-même, un peu comme quand on baise, est-ce que c'est intéressant de savoir comment lui ou elle est sensé être un bon coup ou pas ? Je n'y crois pas. Je crois à la liberté d'être, je crois à la rencontre avec quelqu'un dont les failles vont s'ouvrir béantes aussi bien dans la sexualité que l'écriture. Et à la rencontre, l'étreinte intime. Donc, on se lasse un peu des interviews qui répètent les mêmes questions des journalistes qui attendent le propos convenu à l'avance qu'on a déjà entendu un milliard de fois, on préférerait autre chose, d'inattendu ? De plus ? Je ne sais pas, en même temps, un auteur donne ce qu'il veut, ce qu'il peut et on ne dit pas à quelqu'un comment il est bon de faire.

Pour moi, Caryl Férey est une étreinte belle et douloureuse. Et ce n'est que le début, j'ai loupé des wagons et des trains trop occupée à gérer un tas de choses qui ne me permettaient plus de lire librement, et même lire ce que je veux ne m'est pas forcément donné facilement.

Libre d'apprécier Mapuche au moment qui était le bon en tout cas.

Caryl Férey aime tout ce qui touche au regard, aux yeux, à la couleur bleue peut-être. Le bleu des yeux, des billes, avec une connaissance pointue de l'âme humaine et de ses circonvolutions. Je le considère comme un curandero. Pas sûr qu'il s'en soit encore rendu compte. Je l'aime. Je ne suis pas consensuelle, hein, faut-il le dire ? Pas alcahuete pour 3 sous, pourvu que ce ne soit pas une question de vie ou de mort. Il a la rage de celui qui veut vivre, qui tape du pied pour remonter à la surface, 1000 fois s'il le faut. Comment ne pas aimer Rúben et Jana ?

Caryl Férey aime bien dire des conneries, rigoler, on le voit dans ses interviews, il a le sketch en manche, ça fait du bien. La question de l'amour semble récurrente dans son oeuvre. S'il n'avait écrit que Mapuche s'en serait déjà une, alors, ne lui faisons pas attraper des chevilles qui explosent jusqu'à mars; on pourrait le comparer, mais il y a interdiction de se comparer, à la dynamique d'écriture de Pierre Lebas. Mon dernier engouement.

Il sait particulièrement bien se fondre pour cette compréhension des autres, attrape les failles, regarde d'un oeil d'aigle, se flingue les méninges pour saisir l'indicible, l'insaisissable, avec lui tu ne peut plus rester dans le goudron, il te balance tout. Tu seras capable de le porter. Il semble avoir un désir constant de bivouaquer avec sa Bête. En vrai, ça donne envie d'être dans le sac à dos, si on a pas trop peur. La Bête m'envâpe grand comme Le Brésil.

_ "Une blonde décolorée souriait sous son maquillage de toucan

_ "J'ai baisé avec des serpents à sonnette pour survivre, lâcha Jana entre ses jolis crocs

_ "Tu as quoi dans le coeur à part des morts ?

_ "Les yeux ronds de Rúben rappelaient ceux du chat en bout de table

_ "Ses yeux noirs dégommaient les étoiles

_ "Leurs regards se croisèrent de nouveau dans l'expectative

_ "Jana sort enfin, en grand, les yeux comme des diamants. Et le monde changea de peau : elle aussi avait l'âme bleue.

_ "La concha de tu hermana !

_ "Son air innocent faisait mal aux dents

_"Les documents top secret liés à la séquestration et à l'assassinat de trente mille disparus avaient été brûlés à l'arrivée de la démocratie (et les éventuelles copies probablement détruites), mais la Marine comme tout les corps d'armée, avait gardé ses archives.

Le livre a été soutenu pas la bourse Stendhal (Le Rouge et le Noir m'ont gonflée à mort), on est bien content pour les écrivains qui ont déjà publié, c'est pas pour des frites, et tant pis si les bourses désole les saints autres écrivains, on ne va pas frôler sur la balle*

On zerve*, avec Caryl, c'est un putain de zigue, plus d'un turcan dans queuss, il te remue La Muette*, c'est un goualleur de rue, aboulez, il n'y a pas seulement de l'étoffe, c'est de la putain de balle. Pour ceux qui aiment le rab, au p'tit poil, La Bête est un Boudha d'Émeraude, z'avez qu'à fouinassez comme moi, il distribue les photos au compte-goutte, mais alors, je les trouve meilleures que celles de Doisneau. Pensez quand-même d'avoir l'coeur à la rigolade, c'est mieux qu'avoir des grenouilles dans l'estomac !

Je les ai à la bonne. 

A la revoyure !


*Médire, frôler sur la balle

* crier, pleurer, Zerver

* La conscience, La Muette

lundi 8 août 2022

Coup de Fusil - Schnick - Chapitre 8

Pas le temps de répliquer, il était déjà repartit en sens inverse. Elle se trouvait sur une aire, en bordure de route : poubelles, décharge municipale, en pleine effervescence, l'truc, ça grouillait de rats, ça mouvait dingue, de la vie jusqu'au cou, chante Pierre Lebas qui nous remonte, ça soulève, ça chante, ça ska, ça vit, putain de merde, MERDE, merde, putain de meeeeerde hurla Kaja, haut le coeur avant de vomir à grandes saccades, puis de cavaler en déroute jusqu'au Billie Joel, pour dévider 3 verres de schnick*.

* Eau de vie qui t'estourbilonne les boyaux

jeudi 20 janvier 2022

Coup de Fusil, Chapter 7 - Tout fout l'camp

 Car rien ne dure

 Caryl Ferey

Al Capone et Kaja sortirent de concert de la maison. Dehors, le nombre de convives s'était réduit du tiers, malgré tout il restait encore quelques enfants qui tourbillonnaient autour d'arbustes épineux, une odeur de brûlé diffuse fit divaguer son esprit. Elle se demandait toujours en tremblant ou s'était volatilisée la fille, soupira, ouvrit la bouche, se fendit d'une légère grimace, puis décida d'aller dans la grange en espérant que Matt ne la suive pas. Elle longea le sentier qui contournait la ferme par l'étang, et passa devant chez les Delamours.

Les Delamours étaient de braves paysans dont la maison située en bord de route abritait au devant un lot de 6 casiers à lapins : 3 on the ground floor, 3 upstairs. Ils vivaient de 2 à 3 par casiers, il y en avait un noir, des blancs et d'autres couleur lièvre avec de grandes oreilles tendues vers le moindre visiteur. Autrefois, Kaja leur donnait des brins d'herbes, des pâquerettes et des bout de bois, des petites cuillères en aluminium et du lait sur une coupelle avec des morceaux de chocolats, et une fois elle les habilla d'un chapeau de poupée avec un élastique noué sous le menton. 

Les Delamours avaient tous deux les yeux bleus délavés par l'âge, lui toujours en bleu de travail avec des godillots éclatés, elle en tablier bleu, un fichu sur la tête, les mains toujours dans ses grandes poches, les volets peints en rien du tout, couleur bois brun de drakkar viking des années 1000. Ils étaient gentils.

Un jour, Kaja vit Delamours prendre son lapin préféré, le noir, lui donner un grand coup de gourdin sur la tête, le pendre à la corde à linge par les pattes arrière le dépouiller d'un coup sec. 

dimanche 16 janvier 2022

Coup de Fusil, chapter 6, Ma Chatte s'Appelle Al Capone

 Personne ne peut me dicter la façon dont je fais les choses, Patti Smith

Les gens étaient éparpillés ça et là, tandis que Kaja errait de l'extérieur à la cuisine pour glaner deux trois épis de maïs sur la fille au prétexte de ramener des plats vides, voilà qui ne risquait de déranger qui que ce soit. Dans la cuisine, un poêle à bois sur lequel bouillonnait des pièces de boeuf pour agrémenter les lendemains du méchoui. Trois hommes d'un certain âge se tenaient-là en pleine discussion sur le prix du bétail. Kaja se brûla les lèvres pour ne pas demander le nom de la fille, passer inaperçue, et demanda les toilettes sous prétexte de fouinasser en douce dans le reste de la maison. La gamine un peu marle avait l'habitude de jouer sur du velours en toute occase. 

Les chambres vivaient en enfilade, la première comportait un lit de camps foutu avec des draps douteux et une armoire des temps caverneux. La fenêtre à clenche semblait épuisée d'avoir perdu une vitre, compensée elle-même par un grossier bout de carton délavé encastré dans le pourtour de la vitre. Les mecs tenaient une ferme mais ne savaient apparement pas changer une vitre. Elle vit alors de ses propres yeux une chemise d'homme ensanglantée. Ça commençait à cogner gravement. Tout allait de traviolle. 

_ Qu'est-ce que je fous-là ? Allons chercher à clape se dit tout haut Kaja à elle-même. 

Quand elle se retourna en vrillant pas de danse, elle se retrouva nez à nez à un beau môme, un peu lustucru.* Elle en eut la berlue car le  gars lui collait au cul, et elle ne l'avait absolument pas repéré, trop occupée à trouver un moyen de retrouver la disparue dont personne ne semblait se soucier. Elle se tint à carreau en faisant mine d'être ailleurs, le galant aimable comme une porte de prison, tenta pourtant de la coincer pour lui mendier un coup de zouglou.

_ Tire toi à dache, lui enjoignit-elle. J'cherche un évier de salle de bain de toute urgence. Les mecs beaux à la mie de pain m'appuient pas sur la chanterelle.

Il tenta derechef une gifle mais elle l'esquiva, l'battant en vrac, et sortit de là suivie par Al Capone, la chatte écaille de tortue, une qui blairait pas non plus qu'on la boucle sans consentement. 

_ Al Capone, vient ! On calte ! 


*Bêta

* Lustucru : Quelque chose comme un type sans saveur, en argot, quelqu'un d'anodin

** À dache, loin, très loin, au diable, envoyer à dache, jeter quelqu'un de gênant 

** *Zouglou en argot c'est mourir, tuer. Et aussi faire l'amour, baiser

**** à la mie de pain, trop nul, sans classe


vendredi 14 janvier 2022

Coup de Fusil, Chapter 5

 Salt releva la tête pour croiser le regard de Kaja au loin. Il ne voulait pas l'effrayer et partit changer de vêtements, sa chemise était tachée de sang. Elle ne le vit pas, trop occupée à examiner un des convives qui avait un visage qu'on eut dit labouré par des griffes. Basané,  cheveux long, yeux noirs de corbeau, un gitan. Pas le genre du bled. Il avait l'air de faire partie du tout pourtant. Elle aurait aimé le prendre en photo, mais ça l'faisait pas bien, même en falsh. Elle le suivait du regard, l'air de tout, tout en s'exerçant à compter le nombre de filles. Il n'y en avait pas beaucoup. Elle croisa Whisky et Winna sans savoir qui ils étaient. Winna ne lui sembla pas mauvaise, pourtant elle l'était. Whisky s'enfilait des whiskies à tour de bras. Elle chercha la fille blonde à la coupe de cheveux en sapin mais ne trouva qu'une chatte semi errante, écaille de tortue, vive comme l'éclair, qui volait des sardines sur le barbecue. Ici, le seul truc marrant était le feu. On avait pris des planches qui trainaient près de l'étable, un briquet, des miettes de charbon, un jet d'essence et le tour était joué. On cramait de face, et de dos, le vent ventait froidement. Quelque chose déconnait. La fille avait disparu. 




Coup de Fusil, chapter 4

Kaja entra au Billie Joel, un bar de merde dans lequel le barman passait Honesty en boucle, ce qui lui donnait envie d'aller vivre dans un frigo. Elle accrocha ses écouteurs en passant le fil par la boutonnière de sa veste noire qui ne ressemblait à rien de connu, même dans ce pays sans rêves, avant de s'assoir au comptoir et cala Jack McVea & The Door Openers, Wino, pour oublier le temps, ce qui ne marcha que 10 secondes avant que le barman ne lui souffle dans les bronches pour savoir ce qu'elle voulait commander.

Mam'zelle ? Tu bois ?

_ 3 vodkas.

_ 3 vodkas ? 

_ 3, et un kawa.

_ Un calva ?

_ Un café noir sans sucre.

_ 3 vodkas, un calva et un café sans sucre ?

_ Va, et une omelette aux oeufs.

Estourbi par la commande, il ne vit pas qu'elle pleurait, puisqu'elle baissait la tête. Pas la peine de vous pencher, vous ne la verrez pas non plus, mais si vous voulez vous pourriez entendre ce qu'elle écoutait*. Puisque vous ne me le demandez pas, c'est Because the night.  Gloria, Kimberley, Horses, Free Money, Oh, baby, it would mean so much to me, I'll buy you a jet plane, He saw horses, horses, horses, horses, horses, horses, horses, horses.

There must be something I can dream tonight.

Radio Ethiopia,

Aint it strange


It's a pretty little place, it's across the tracks,ne, baby, Get you on a higher plane to a jet stream, And take you through the stratosphere, When we dream it, when we dream it, when we dream it, We'll dream it, dream it for free, free money, Free money, free money, free money, free money, free money, free money, 

Breaaaaaaak It Up !Break it up, yeah break it up

He saw HORSE



*PATTI SMITH

mercredi 5 janvier 2022

La Jambe Gauche de Joe Strummer

Gallimard, hein. 256 pages en cheup.  Lu, in one go. Alors, c'est seulement le deuxième Mc Cash que je rencontre, le premier c'était à l'intérieur de Plus jamais seul, (pas mal du tout).

C'est le seul bon moment de la soirée que j'ai eu. 

Que dire en spoliant ?

Qui ne se souvient de Bloody Sunday ?

Le premier quart engante, ti amo, alors bien sûr de Clash à Mc Cash manque un L, et il n'a plus que du cash à balancer. C'est un fan absolutiste, même moi, qui n'ai pas succombé aux Clash avant 17 ans, si je ne suis fétichiste, je ne peux qu'admettre que leur son me retourne toujours les boyaux et me donnent envie de danser, chanter, hurler et retrouver une énergie de dingue, celle qui nous habitaient, à l'époque. (j'ai dit que je n'avais jamais été fan, c'est vrai que j'étais beaucoup absorbée par Joy Division, mais en fait, j'ai beaucoup, beaucoup écouté les clashs, certains albums, certains morceaux, à en devenir dingue et en boucle des jours et des jours qui se suivent, et pas tous (les morceaux). Et ça va avec des fêtes incroyables également.

Il y a un premier décryptage de la douleur. La carcasse portée par Mc Cash, un irlandais est emprunté à un poteau, soit dit. Il souffre. On pourrait, of course, parler du reflet de l'âme dans le corps, il est atteint, forcément traumatisé, et le vit à sa manière comme nous le faisons tous, toutes, sans doute. J'ai déjà travaillé sur la perte, dans le corps, en groupe, c'est hot, quand on ressent vraiment à l'intérieur de soi, une mutilation. Sans parler des douleurs fantômes. 

J'voudrais pas taper dans l'analyse psychotruc. Mais le nettoyage de l'oeil au départ semble avoir un semblant de rapport avec ce qu'on voit du monde et ce qui se passe dans le notre intérieurement, le monde avec un grand M. Qui voit qui ? 

On est sur l'idée de la petite enfance et des violences sur enfants, organisées. En moindre terme, car la construction est tout à fait différente, on pourrait penser à, bon non, je ne vais parler de ça ici. Si allez, je suis sympa : Stieg Larson, peut-être. On aimerait aussi qu'un écrivain de cette trempe s'intéresse à la douleur des bourreaux, une autre focale moins fouillée en général, à la mesure de ce que j'en connais donc, peut-être que, d'autres l'ont fait aussi ou déjà. M'enfin, on ne peut pas être sur tout les fronts. 

L'auteur, alors on est dans un roman policier, mais il donne l'impression, de nous livrer autre chose que la construction d'un perso qui aime baiser à tort et à travers parce qu'il s'est séparé de sa femme, elle l'a quitté (n'oublions pas que quelqu'un qui quitte à déjà été quitté par le partenaire, et s'il part, c'est parce qu'il ne peut plus rester : duele, comme on dit en espagnol, ça fait mal) visiblement une déesse noire, Angélique. Même l'idée du Bloody, n'y suffit pas (c'est purement perso, je ne suis même pas sûre de ce que je dis. Il intrigue, n'est-ce pas ?

Le bouquin m'a surprise, je ne sais pas à quoi je m'attendais (je ne lis jamais quoi que ce soit en matière de critique - sauf pour un livre que je ne veux pas lire - je trouve qu'ils ou elles délivrent trop d'informations, moi je préfère les surprises, en tout points. 

Mais il m'a surprise, j'ai bien aimé l'idée d'un personnage fan des clashs, et de le voir d'emblée dans le contexte non pas de l'oeil partagé de Mc Cash, mais de sa vision en tant qu'être total, quel que soit l'état de son corps, il semble vouloir nous montrer tout ce qui demeure invisible, la noirceur de l'humanité, comme Caryl Ferey, 

Il y a des passages vraiment drôles quand Mc Cash interrogé répond à des questions sans y répondre, par exemple, quand il répond qu'il vit en union libre avec son chien, j'ai explosé de rire, je n'ai plus le bouquin sous les yeux, je ne peux pas mettre de citation, de toutes façons, il vaut mieux le découvrir dans le bouquin. Oui, on pourrait aussi avoir envie de lui coller des claques. Non pas au chien.

Alors, j'ai su trop vite ce qui se passait entre les perso qui baisent, c'était couru, l'intérêt, donc il l'a écrit en 2007, je crois ? L'intérêt pour les causes dites perdues est dingue chez lui, il les défend à coups de crosse, les réels croque-mitaines en prenne pour leur grade, au travers de Mc Cash qui fait éteignoir (à peine moins avec les meufs), et quand il craque, y s'mets schlasse à n'importe quelle heure. Pas question de laisser passer trop d'amour : ça fait mal à ce stade, pour que ça redescende dans le coeur, ça blessera, et rendra vulnérable, et on ne sait pas si on en ressortira entier car l'explosion met en 1000 morceaux, du coup pas simple de rattraper tout les petits bout pour se reconstituer, ça fait peur le tunnel noir, on ne sait jamais quand il s'arrêtera et, mettre un pied dedans veut dire qu'il faille du courage, on a nulle doute que le personnage l'ai, autant son clone IRL que celui qui est vivant dans le livre et inversement.

Au travers de cela, c'est l'enfance, ou plutôt celle de l'innocence baignée de rayons lumineux qui nous est amené sur un plateau, la question de l'aide à l'enfance, des enfants, ceux que l'on laisse dans des vies inhumaines, encadrés par des gens qui abusent d'eux, on parle de maltraitance sexuelle, entre autre, il a d'autres biais, on s'attend à ce que ça émerge dans ses autres écrits. 

Pendant que certains vivent l'enfer, d'autres sont au paradis, ou bien protégés. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il veuille lever le voile, et nous met entre les pattes comme dans celle de son père une gosse, une enfant, l'espoir, en quelque sorte, avec tous les sentiments que le perso ne peut plus éprouver, tout comme l'auteur, ou peut être nous-même.

Tout ce qui est rapporté sur la douleur, je ne sais pas s'il le tire de ce qu'à pu vivre son ami, mais c'est profondément juste, c'est exactement ça, donc, quelques-uns connaissent ça, d'autres, tant mieux, non. Je n'aime pas particulièrement les scènes de castagne, ça reste souvent trop dans la tête, c'est donc avec compréhension que je suppose que l'auteur doive avoir besoin de prendre de la distance, pas avec ce qu'il écrit quoique, mais avec les personnages et situations, dans ses romans plus trashs. On pourrait, ici, s'incliner avec respect devant le destin des gens qui ont vécu l'horreur de la mutilation et de la perte, on sent que l'auteur est touché lui-même et que s'il s'en dépatouille très bien en public, bon, on voit bien que Caryl Ferey n'est pas juste un grand écrivain mais un enquêteur à la manière et l'art de Jack London, et of course c'est un peu con mais c'est un type que tu verrais bien comme le petit frère de Steinbeck. Pour autant, bah, il a pris le tunnel depuis pas mal de temps. Et le bandit masqué ? La dynamique doit servir à tous, donc idem.

Je n'ai plus de batterie. Fuck. 

Quelques menus reproches en chantant, j'aime bien embêter un peu les gens que j'apprécie IRL ou pas, ce qu'il nomme La Bête, au départ, extraie d'une façon pointue ce qui se produit quand une douleur violente se situe dans la tête. Alors, les écrivains sont des menteurs, nous le savons, ou du moins ne pouvons pas savoir comment les choses ou les idées se construisent et à partir de quoi de réel ou d'imaginaire ils écrivent. C'est d'une justesse absolue : ou bien il a imaginé le truc, et ça n'empêche que ça puisse être  écrit d'une façon fine, ou bien, le Mc Cash du réel est une inspiration directe, avec une expérience directe du phénomène : et l'homme et la bête. N'empêche, on commence à penser à l'homme au bandeau, qui devient plus ou moins sujet de fantasmes (alors qu'apparement, il n'a strictement pas besoin que des flopées de meufs lui tombent dans les bras), est-ce que le bandit masqué à le même coeur ? Est-ce que Caryl Ferey y déverse ses propres circonvolutions intimes ? Probablement un peu des deux, mais, on se demande encore qui est le type dégingandé, qui se balade dans des bars : est-ce que la (merde je m'égare, je pensais écrire autre chose) perte d'un oeil vient d'un accident, d'autre chose ? Est-ce que du coup, il y a vraiment cette réelle souffrance physique chez le vrai Mc Cash ? On ne lui arracherait pas le bandeau, question de respect, on laisse un homme se dénuder quand il veut et pas de force.

Et donc, on ne voudrait pas non plus le forcer à en parler. Peut-être à t-il accentué le trait pour un faire une sorte de pantin abimé par la vie, et pour servir les questions soulevées ou effleurées dans le texte. L'homme est désespéré et sa rage le soutien. Il n'essaie pas de mettre les formes, au point que même son enfant en subisse quelques violences : en effet, la violence d'une situation X chez les parents rejaillit sur les enfants, on le sait.

J'ai dérivé loin de ce que je voulais dire : cette description de "La Bête" (lisez le livre), est tellement bien dans les toutes premières pages, j'ai regretté que le même terme soit réutilisé sur d'autres passages, ça faisait perdre de la profondeur pour un détail stupide (enfin je veux dire pour une broutille que l'on ne voudrais même pas relever). J'ai regretté que les meurtrières utilisées pour décrire le personnage de l'A.S de Madagascar, humide mais fermée, soit ramenées aussi sur plusieurs paragraphes pour leurs rencontres. Ce personnage nous dit qu'elle se tape du concept que l'on pourrait voir comme macho, de la part de Mc Cash, qui la juge, vis à vis de ses ébats sexuels, alors qu'en fait, on sent le perso, un peu rude dans ses interactions, rentre-dedans pour être clair, observe plutôt une certaine réserve, (évidement on a envie d'aller fouiner dedans :D), et qu'on le voit ici comme quelque peu protecteur plutôt que juge. Si les femmes et les filles le titillent, ce n'est pas que sexuel, après tout le corps pour pouvoir s'en sortir, n'est pas une si mauvaise voie.

Qu'est-ce que je pourrais dire d'autre ?

Ne vous fiez pas à ce que je dis, ça ne veux peut-être rien dire pour vous, peut-être que vous auriez une autre lecture, d'autres émotions et un ressenti différent. Mais enfin, on aime voir les ébranlements de Mc Cash, perdu dans son histoire, saisir quand même le bord de la falaise pour remonter voir ce qui pourrait se tramer de mieux que dans les limbes de ses atermoiements émotionnels.

Ciao.


Enjamber la flaque où se reflète l'enfer, Souad Labize

Il est ce tout petit livre d'un titre hautement pertinent autant que poétique. Il est fulgurant et je dirais presque magistral, tellemen...